Écriture,  Réflexions

Vide maison, vives émotions 1/2

Ce matin, je suis allée dans un village voisin où était organisé un vide maison. Dans nos campagnes, le vide maison fait  souvent suite au décès d’une personne âgée. En effet, en Bresse,  il n’est pas rare que les anciens restent dans leur demeure jusqu’à leur dernier souffle. Ce sont donc des maisons qui regorgent de trésors d’un autre temps.

Je pars de chez moi, emplie d’une excitation enfantine, caractéristique du chineur, avec l’espoir de dénicher quelques  trouvailles qui viendront compléter les rayon de ma boutique (où encombrer mes placard c’est selon).

Arrivée à destination, je me gare juste devant l’entrée (je trouve quasi systématiquement une place au plus près de l’endroit convoité, ce qui amuse, étonne ou parfois agace mes proches. Cela fera peut-être le sujet d’un article) et j’entre dans la cour où sont exposés les biens des personnes disparues.

L’excitation fait place à un certain malaise, je m’attends à être accueillie mais remarque que tout le monde déambule librement. Je m’avance avec une gêne palpable, j’ai le sentiment de violer un territoire.

Je regarde d’abord les meubles, de magnifiques pièces des années 30-40. Ils me rassurent un peu. Le détachement avec leurs anciens propriétaires est plus tangible, peut-être parce que l’on n’imprègne pas un meuble aussi aisément qu’un bijou ou un vêtement, n’ayant avec lui que peu de contact et d’échange physique autre qu’utilitaire.

Je m’approche ensuite des livres. Bien qu’ils soient plus personnels que les meubles, j’ai l’habitude de manipuler des ouvrages d’occasion. J’arrive donc à contenir mon malaise.

C’est lorsque je me suis dirigée vers les bijoux que l’embarras s’est ravivé. Ils étaient posés là, dehors, au milieu d’un désordre notoire, parachutés, arrachés violemment à leur cachette feutrée où ils étaient jusqu’alors protégés. Ils étaient là, dans leur boite en velours, certains même encore dans leur écrin d’origine. A travers ces perles, médailles, broches, je pouvais presque reconstituer les événements au cours desquels ils furent portés, une noce ou bien une communion. Je me perdis également à imaginer la personne pleine d’attention offrant ce présent. Un tendre prétendant pour ces perles blanches, une marraine dévouée pour cette gourmette dorée, une petite fille pour cette petite broche en toc, faisant chavirer le cœur de mère-grand et embuer ses yeux d’amour.

Puis, dans un mouvement soudain, une main d’homme vint me tirer de ma rêverie, ouvrant les boîtes si consciencieusement close, versant les bijoux les uns sur les autres dans un irrespect outrageux. « Fouillez ! il y a de quoi faire », semblait me dire cette main qui s’agitait, brouillant de son geste toutes les fragiles attentions portées à chaque pièce et les réduisant en un vulgaire tas de pacotilles.

Qui était-ce ? Un fils ? Un gendre ? Un neveu ? N’y a-t-il aucune émotion chez ces gens, là, debout tout autour de moi, dépouillant la mémoire de leurs aïeux pour quelques piécettes ? J’aurais aimé voir de l’affection dans les regards, de la tendresse dans les gestes, une once de nostalgie en voyant s’envoler une partie de leur histoire, une partie d’eux-mêmes. Mais au lieu de ça, je n’ai ressenti qu’un empressement glacial.


Voici la première partie de mon aventure émotionnelle du jour, demain je rédigerai la suite et vous parlerai d’une belle découverte.


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